Les trilobites de la Dominelais … et plus encore

Nous aimons aller chercher des trilobites. Il y a ceux que l’on trouve qu’il faut déterminer, et il y en a d’autres qu’un jour par bonheur on trouvera peut être.
15 000 espèces de trilobites regroupées dans 5 000 genres ! Les articles sur
internet ne manquent pas, hyper spécialisés, parfois contradictoires, vite
incompréhensibles. Je voulais donc faire quelque chose d’aussi simple et clair que possible, et me limiter aux trilobites de La Dominelais. J’avais pris comme référence le travail de Christophe GUILLOU : ” Les trilobites ordoviciens de Bretagne”.
Très vite j’ai réalisé que se limiter aux seuls trilobites de La Dominelais n’avait pas de sens. Nous y cherchons dans divers sites, et dans cette zone Ch. Guillou répertorie 13 trilobites … et voila que Jean Luc en trouve un qui ne figure pas dans la liste ! Et tout récemment encore un autre ! Alors étendre le sujet à tous les trilobites de l’ordovicien de Bretagne ? Ils sont 31 décrits et ce territoire étendu jusqu’au Cotentin est beaucoup trop vaste. Donc ne pas se limiter à La Dominelais, mais aller jusqu’où ? La géologie est venue à mon secours.

Le synclinorium de Martigné – Ferchaud

Nous cherchons des trilobites dans des formations sédimentaires, des schistes en vert sur la carte géologique.
La Dominelais

La Dominelais

Le massif Sud Armoricain est cisaillé par une grande faille étendue de la Pointe du Raz à Angers.
Les formations sédimentaires dans lesquelles nous cherchons se répartissent au nord et au sud de cette faille.
La zone de La Dominelais se situe au nord, plus précisément dans des
affleurements que les géologues appellent le synclinorium de Martigné –
Ferchaud.
Dans cette même formation les gisements de Guichen, Bain de Bretagne, et du Grand Fougeray. L’Ordovicien moyen
Les schistes y sont datés de l’ordovicien moyen – 488 Ma / – 444 Ma

Plus précisement des étages Lianvirn – 470 Ma et Llandellien – 465 Ma / – 460Ma
Les trilobites nés au Cambrien (- 530 Ma), éteints au Permien (- 252 Ma) sont à leur apogée à l’ordovicien moyen en Bretagne.
Les spécialistes vous diront qu’aux différents étages correspondent des niveaux où certaines espéces s’accumulent et s’associent plus particulièrement (cf. les notes complémentaires).
Finalement le sujet est devenu : Les trilobites ordoviciens du synclinorium de Martigné – Ferchaud.
J’ai voulu faire aussi simple que possible et rester dans le domaine de la vulgarisation.
D’abord passer en revue les trilobites connus dans ce territoire en essayant de les regrouper suivant leurs caractéristiques. Certaines espèces sont emblématiques, d’autres sont exceptionnelles.
Il ne faut pas en avoir peur, mais il est incontournable d’arriver à une
classification des trilobites (en sachant qu’elle varie suivant les auteurs !).
Je propose une classification très simplifiée en éliminant tous les sous ordres, super familles et sous familles … pour rester accessible.

ORDRE FAMILLE GENRE Espèce
Les Espèces connues à La Dominelais sont indiquées en rouge.
Les autres sont indiquées en noir.
Cette classification simplifiée peut être une aide à la détermination.
Les dessins ne sont que des schémas personnels qui donnent un aspect global du trilobite concerné, et font ressortir quelques traits utiles à l’identification. Les trilobites ramassés sur le terrain sont loin d’être toujours bien conservés, ce ne sont parfois que des mues; les détails utiles à l’identification peuvent être “gommés”. Enfin les trilobites trouvés n’ont pas toujours la forme habituelle du trilobite allongé, comme un fuseau. Ils peuvent être considérablement étirés, déformés, ou aplatis en galette, ayant subit les affres de la tectonique ! Ce sont pourtant les mêmes, peut être encore plus difficiles à identifier.

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De ces trois premiers trilobites, Neseuretus tristani est le plus fréquent à La
Dominelais et le plus facile à identifier.

Neseuretus tristani

Facilement reconnaissable avec son expansion pré glabellaire, son “nez pointu”

a une glabelle comme amputée
“il a perdu son nez”

Neseuretus tristani

Facilement reconnaissable avec son expansion pré glabellaire, son “nez pointu”

Colpocoryphe rouaulti

a une glabelle comme amputée 
“il a perdu son nez”

Salterocoryphe salteri

Ces 3 trilobites se ressemblent, ils sont de la même famille,
les Calymenidae.
Leur thorax – rachis et plévre – est formé de 13 segments.
Céphalon et pygidium sont presque de même taille mais différent.

Thorax à 13 segments

Neseuretus tristani Colpocoryphe rouaulti Salterocoryphe salteri

Pour d’autres trilobites c’est parfois au niveau des plévres qu’il faut chercher les élements d’identification.

Dans la même famille des Calymenidae (mais pas pour tout le monde!)

Prionocheilus mandax

a 13 segments thoraciques. Il est présent à La Dominelais, mais personne du club ne l’y a encore trouvé. C’est dans la zone proche de Saint Aubin des Châteaux que Jean Luc y a trouvé un exemplaire.

Une surface rugueuse, 2 gros yeux, 2 petites épines génales prolongent le
céphalon. Le bord pleural est “festonné”, et cette découpe prolongée sur le pygidium me rappelle l’image du “Petit beurre LU”.

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Dans la famille suivante, les Dalmanitidae, les trilobites n’ont plus que 11
segments thoraciques, et surtout de très grands yeux réniformes, à facettes:
les yeux de Phacops

Caractéristiques de la famille, facilement reconnaissables, ces yeux saillent sur le céphalon. Les trilobites ont inventé l’oeil ??

Phacopidina micheli

est le plus emblématique de cette famille à La Dominelais.

4 autres trilobites de cette famille existent dans la zone, mais 2 seulement sont présents à La Dominelais

Zeliszkeila lapeyrei

et aussi

Eodalmanitina destombesi

dont le pygidiumse prolonge par une épine.
Eodalmanitina macrophtalma et Guichenia dufouri n’y sont pas présents.

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Les 2 trilobites suivants m’ont posé quelques problèmes pour rester aussi clair que possible. Les choses se compliquent un peu : ils font parti du même ordre (Phacopida) mais d’une famille encore différente.

Placoparia tournemini et P. borni

11 segments thoraciques, glabelle carrée avec 2 excroissances rondes qui ressemblent à des yeux, mais ils sont aveugles.

Eccoptochile mariana
et E. guilleri

12 segments, et de petits yeux à facettes.

Bord pleural “festonné”, la découpe en “Petit beurre LU” est de plus en plus
marquée au niveau du pygidium.
Pour ajouter à la confusion :

Placoparia tournemini

est présent à La Dominelais puisque Jean Luc y a trouvé de beaux spécimens, alors que Ch. Guillou ne l’y a pas signalé.

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Les trilobites suivants ont un aspect bien différent qui les rend plus facilement identifiables.
Ils appartienent à un autre ordre : Chorynexochida.
Plus faciles à identifier … est ce bien vrai si l’on veut pousser la détermination au delà du genre jusqu’à l’espéce.

Ectillaenus gigantus

 Un céphalon semi circulaire où les yeux sont rarement visibles, un pygidium presque identique entre les deux un thorax à 10 segments.

Alors attention ! Ils ont le même aspect global, mais dans la même famille

E. advena

a aussi 10 segments.
Dans une autre famille Panderia beaumonti n’a que 8 segments;
et dans une troisième famille (qui est apparentée) Parabarrandia sp. n’a
également que 8 segments thoraciques.
Rien n’est vraiment simple !!

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Maintenant de nouveaux trilobites avec des caractéristiques bien particulières qui vont donc appartenir à un nouvel ordre dans la classification : Asaphida.
Ce qui les caractérise : le céphalon se prolonge latéralement par ce que l’on
appelle des pointes génales.
Le thorax est plus court, le pygidium aussi important que le thorax a des sillons marqués repartis en éventail.

Nobiliasaphus nobilis
et Isabelinia glabrata

Céphalon avec ses pointes génales
thorax court à 8 segments
Pygidium développé, strié en eventail.

Dionide mareki

Très longues pointes génales en “ailes d’hirondelle”
thorax court à 6 segments 
important pygidium strié.

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Enfin des raretés.

Ces 3 trilobites sont présents dans le territoire du synclinorium de Martigné – Ferchaud mais un seul existe à La Dominelais d’aprés Ch. Guillou. Ce n’est plus vrai depuis la récente découverte de Jean Luc.

Selenopeltis gallicus gallicus

Thorax “puissant” à 9 segments
Longues épines obliques latérales
Pygidium non strié en “queue de langoustine”

Eoharpes guichenensis

Céphalon trés granuleux en “auréole” ou”fer à cheval”
Long thorax à 11 segments
Pygidium insignifiant

Entiers et en bon état ils doivent être faciles à identifier !  
Eoharpes n’existe pas à La Dominelais contrairement à Selenopeltis gallicus gallicus (personne du club ne l’a encore trouvé).
Il existe 2 autres Selenopeltis non présents à La Dominelais : S. kamila et S. gallicus irorathus.

La découverte récente de Jean Luc à La Dominelais c’est 

Uralichas ribeiroi 

qui d’aprés Ch. Guillou n’y existe pas !   
Il est connu dans les autres sites du synclinorium de Martigné – Frechaud.                                                            
Cette découverte (en cours d’authentification) est un magnifique céphalon trés granuleux. Uralichas a 11 segments thoraciques et un pygidium prolongé par une épine. Pris de court je n’en ai pas encore fait le schéma. 

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CLASSIFICATION  SIMPLIFIÉE DES TRILOBITES
DU  SYNCLINORIUM  
DE MARTIGNÉ – FERCHAUD

Faire référence à la classification scientifique des trilobites, cela peut sembler trés inquiétant, même si elle est trés simplifiée. Mais cela reste incontournable, sinon le sujet est inextricable. Il ne faut pas hésiter à la regarder comme une aide à la détermination.                            
Pour rappel, la classification se fait en :

ORDRE

FAMILLE

GENRE

Espèce

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PHACOPIDAE

CALYMENIDAE 13 segments

NESEURETUS

COLPOCORYPHE

N. tristani

C. rouaulti

SALTEROCORYPHE

PRIONOCHEILUS

S. salteri

P. mandax

DALMANITIDAE 12 segments

PHACOPIDINA   

ZELISZKELLA

P. micheli

Z. lapeyri

EODALMANITINA

GUICHENIA 

 E. destombesi

G. dufouri

E. macrophtalma

CHEIRURIDAE 12 segments

ECCOPTOCHILE

E. mariana
E. guilleri

PLIOMERIDAE 11 segments

PLACOPARIA

P. tournemini
P. borni

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CORYNEXOCHIDA

ILLAENIDAE 10 segments

ECTILLAENUS

E. gigantus
E. advena

PANDERIDAE 8 segments

PANDERIA

P. beaumonti  

NILEIDAE 8 segments

PARABARRANDIA

P.sp

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ASAPHIDA 

ASAPHIDAE 8 segments

NOBILIASAPHUS

 ISABELINIA

N. nobilis

   I. glabrata

DIONIDAE 6 segments

DIODINE

D. mareki

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HARPETIDA OU PTYCHOPARIIDA

HARPETIDAE 11 segments

EOHARPES

E. guichenensis

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LICHIDA

 LICHIDAE 11 segments

URALICHAS  

U. ribeiroi

SELENOPELTIDAE ou ODONTOPLEURIDAE 9 segments

SELENOPELTIS

S. gallicus gallicus

S. kamila
S. gallicus irorathus

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Notes complémentaires

Un rappel de l’anatomie des trilobites. 

   Stratigraphie et association de trilobites de l’Ordovicien de Bretagne.

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Assez souvent nous trouvons des trilobites enroulés. Ils sont encore plus difficiles à déterminer.                              
La forme enroulée est une position létale, au moment de la mort, ou une posture de défense (comme le font les cloportes).
Le trilobite s’enroule en boule pour se protéger d’un prédateur ou d’un changement brutal des conditions extérieures de température, de salinité, d’oxygénation, de teneur en boue de l’eau …

Les trilobites adoptent parfois d’autres postures qui auraient chacune une signification. Jean Luc a trouvé un amusant tableau qui résume ces postures d’un Colpocoryphe.

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Conclusion

 On est vite submergé et noyé dans un tel sujet.

Imaginez vous que la classification simplifiée que j’ai proposée est déjà incomplète !
Il faut dans l’ordre des Phacopida ajouter une espèce, Plaesacomia oehlerti, qui appartient à une nouvelle famille – Homolonotidae – à rapprocher de la famille des Calymenidae, mais n’en fait pas partie …
Vous avez tout compris ??!!                      
Par chance ce trilobite n’est en principe pas présent à La Dominelais, jusqu’au jour où Jean Luc ou quelqu’un d’autre est capable de le trouver !!

Identifier un fossile avec certitude reste toujours extrêmement difficile, qu’il s’agisse d’un trilobite, d’une ammonite, ou d’un autre fossile. C’est indéniablement plus facile sur un schéma ! Pour toute détermination il faut rester extêmement modeste. Identifier la famille puis le genre est déjà trés bien. Affirmer ensuite l’espèce est plus compliqué et plus aventureux. C’est là que la classification peut être utile. “On peut s’y aventurer en sachant que toute détermination est à prendre avec les éternelles précautions d’usage”.

Enfin et surtout je suis persuadé que ce travail personnel trés théorique doit maintenant être complété. Mais ce travail à venir ne peut être que collectif. Pour chaque trilobite répertorié ici, faire une fiche d’identification pratique, reprenant des éléments de cet article, mais y ajoutant des photos, et peut être d’autres choses encore …                
Par exemple montrer sur des fossiles trouvés, souvent déformés ou incomplets, les points qui on permis de le identifier.              
Cela fait appel aux collections personnelles de tous les membres du club. Cela nécessite des compétences en particulier photographiques que je n’ai pas. Il y a déjà des photos dans le club, sur le site, mais aucune n’a de légende, même pas le nom du trilobite !

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Bibliographie

Pour ceux qui voudront s’y aventurer une courte bibliographie.

J’ai très largement emprunté au travail de Christophe GUILLOU : “Les trilobites ordoviciens de Bretagne” qui se trouve sur internet.

J’ai largement consulté également la revue Fossiles : Trilobites de l’ordovicien de Bretagne et faune associée”      Hors série VII – 2016.
Cette revue est disponible dans la bibliothèque du club.

De nombreux autres sites parmi lesquels :

   – Classification des trilobites

   – trilobite.info/index.html

   – jbricegayet.free.fr

   – trilobites.naturalforum.net

Afficher le nom d’un trilobite particulier permet d’accèder à de multiples autres sites.                                                  
Par exemple afficher isabelinia glabrata donne accès à “trilobites de la région de Bain de Bretagne”, article trés intéressant.                          

Afficher Salterocoryphe salteri donne accès à l’article qui détaille les nuances entre Neseuretus, Colpocoryphe et Salterocoryphe.

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Jean ROY – 2019
avec l’aide d’Olivier MARIOT
et de Jean Luc TALNEAU